Le quotidien d'un archiviste dans une société de numérisation

Publié le par Cyber@rchiviste

http://www.spcl.fr/photos/scanner-de-plans-OCE-pour-numerisation-big.jpgPour poursuivre sur le thème de la numérisation, parlons de ces sociétés de numérisation qui ont aussi leur place dans le marché plus qu'émergent de la numérisation des données publiques (ou privées)...

 

Google est le plus connu d'entre elles mais de nombreuses autres sociétés gravitent dans ce domaine évolutif.


Du petit magasin de transfert de données qui a pignon sur rue (numérisation de bobines de films VHS, 16 mm ... notamment) aux entreprises concurrentielles qui raflent les marchés de numérisation des institutions européennes, c'est tout un univers rarement évoqué par les archivistes "traditionnels" et par les publications des professionnels du métier.


Evoquer ce sujet, n'a pas pour but de jeter la pierre à ces acteurs privés qui ont une activité lucrative par définition, et qui sont pressés dans leurs méthodes par le besoin de rentabilité. Il m'a semblé intéressant de faire connaitre un domaine où évoluent également de vrais archivistes diplômés.

 

Eh oui, un temps, je fus ... archiviste dans une entreprise de numérisation "internationale".


Je peux désormais en parler librement, c'était il y a quelques années, et je ne veux aucunement "cracher dans la soupe". J'espère surtout ne pas souffrir du syndrome de la caissière de supermarché ou de la cadre territoriale désoeuvrée qui ont eu besoin de vider leur sac dans un blog à un moment donné.


Personnellement, je ne renie pas cette expérience qui fut extrêmement formatrice tant au niveau technique qu'au niveau humain -imaginez-vous travailler en équipe sur des tâches répétitives- ...

 

Sur le papier, c'était confortable et pas trop fatiguant. J'étais (très bien) payée à saisir dans une base de données tentaculaire, les analyses de documents historiques et leurs termes d'indexation.


La base était une "base maison" développée par l'institution en collaboration avec l'entreprise prestataire de numérisation. Une base sans couleurs, grise, à l'aspect MS-Dos, à base de F1, F2, troncatures %, .... ça fonctionnait pas mal, quand le serveur ne nous lâchait pas (environ une fois par mois...).


Un document à numériser était enregistré sous la forme d'une fiche informatique dans la base de données. Chaque document-papier était précédé d'un séparateur que l'on imprimait qui présentait le titre du document et surtout le sacro-saint code-barre, indispensable au scanner pour relier le fichier du document scanné à son analyse archivistique.


En soit, rien de bien compliqué. Cela s'apparentait plutôt à de la gestion de base de données, couplé à un travail de documentaliste, qu'à un boulot archivistique... Il fallait suivre à la lettre le "mode opératoire", notre Bible, le document essentiel qui faisait constamment le lien entre les exigences du client et son rendu quantitatif et qualitatif par le prestaire.

 

Le travail était fait sérieusement en tous cas. Nous devions veiller à soigneusement identifier les expéditeurs et destinataires des courriers, à les replacer dans l'histoire, pour trouver leurs fonctions, leur nationalité et leurs dates d'activité. De même pour les institutions destinataires des correspondances, il fallait veiller à bien les identifier, bien connaitre les institutions politiques des pays concernés pour ne pas commettre d'impair. Là, le métier et l'expertise de l'archiviste étaient plus qu'indispensables.

 

Mais ce qui me dérangeait plus, c'était les méthodes de travail. Vous allez me dire, qu'entre le public et le privé, ces méthodes sont évidemment incomparables. Certes.


Mais, nous étions dans l'extrême : comptabiliser le nombre de fiches remplies  chaque jour et de documents analysés, mesurer chaque soir la hauteur de la pile de documents traités, trembler lorsque l'on voit que l'on ne va pas tenir les objectifs fixés pour la semaine... c'est tout un contexte qui ferait hurler le moindre archiviste du secteur public (il est vrai que l'on devrait aussi s'en inspirer pour motiver nos troupes ;- ) ).


Nous étions aussi pressés par le système qualité qui pouvait vous obliger à reprendre une grande partie de votre travail chaque vendredi si celui-ci était mal fait. Nous nous évaluions entre collègues. Chacun se chargeait de vérifier le travail d'un autre collègue... il y a mieux pour une ambiance de travail sereine...

 

Nous étions également devenus les champions du désagraffage. Il était en effet indispensable de retirer les agrafes des documents pour les faire passer dans les scanners. Or, ces documents étaient truffés d'agraffes. On en a chacun presque enlevé des kilos. La pince ôte-agraffe comme outil du BAC+5... Ô joie des jeunes diplômés. Mais il faut bien commencer par quelque chose me direz vous !

 

Bon, pour compenser les agraffes, la petite valeur ajoutée du boulot, c'était les langues... Car le client producteur des documents était une institution internationale. De ce fait, nous devions traduire les documents pour les analyser. J'étais expressément chargée des documents en allemand. J'ai ainsi beaucoup progressé à l'écrit ce qui m'a permis d'obtenir une note excellente lors de l'oral d'un concours.

 

Le vocabulaire institutionnel allemand n'a plus de secret pour moi. 

Pareil pour l'anglais, et même ... l'italien et l'espagnol, qui finalement se sont révélés tout à fait compréhensibles, en se méfiant des faux-amis bien sûr !

 

Bon, nous avons également fait semblant de comprendre le hollandais, le néerlandais, le grec, le turc, le suédois, le russe... personne n'était capable de nous assister, alors nous devions nous débrouiller, traduire à peu près, deviner ce que nous racontait Babel fish. Alors, si un jour vous consultez les documents numérisés sur Internet, amis grecs, néerlandais et suédois, ne vous étonnez pas si l'analyse n'est pas très fidèle au contenu du document... C'était le jeu, assumé par le prestataire !

 

Bref, l'archiviste dans une société de numérisation est un employé lambda qui apporte son expertise historique et institutionnelle quand les documents s'y prêtent. L'entreprise lui demande de la précision, de la rapidité et une grande résistance à la répétition...

Dans ce contexte, j'estime être heureuse d'avoir travaillé sur des documents historiques. J'imagine également que pour des documents sériels et courants (factures, fiches de paie, correspondance courante, plans), l'entreprise n'aurait jamais fait appel à des archivistes diplômés.

 

Voilà, archiviste dans une société de numérisation : une bonne expérience, un bon gagne pain, une école de la rapidité et de la diplomatie et un très bon élément de comparaison lorsque l'on va ensuite travailler dans le secteur public.

 

Pas si mal finalement !


 


 




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A
<br /> Salut cyberarchiviste.<br /> Je suis une étudiante archiviste sénégalaise, qui étudie à l'ESI(Maroc).Je voulais juste te dire que je suis tombée sur ton blog en faisant des recherches pour constituer le mien, et ça m'a été<br /> trés utile. Je me suis même premise de transférer ton post sur les archivistes et la numérisation, sur mon blog.<br /> Merci et bonne continuation.<br /> <br /> <br />
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